Bisphénol A « Un risque majeur de santé publique »

Le 24 mars dernier, le Sénat adoptait  à l’unanimité une proposition de loi visant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de Bisphénol A. Se diriger-t-on vers une interdiction totale dans les plastiques alimentaires, comme l’a déjà décidé il y a un an un Etat américain comme le Connecticut ? Pour l’instant, la question est loin d’être tranchée. Le texte doit encore passer devant l’Assemblée nationale avant d’être appliqué. De plus il ne concerne que les biberons, laissant de côté les autres aspects du problème.

Le Bisphénol A constitue la matière première de nombreux plastiques comme les polycarbonates ou les résines époxy. Ses usages sont très variés. De nombreux industriels l’utilisent pour fabriquer des biberons, mais aussi d’autres produits comme des bouilloires, les filmes alimentaires ou pour recouvrir l’intérieur des boîtes de conserve et des canettes évitant ainsi que le goût du métal ne se transmettre aux aliments.

Avec le temps, ou si le récipient est chauffé, les molécules de Bisphénol A migrent du contenant vers le contenu. « Dès 1996, on a constaté des contaminations des aliments dans les boîtes de conserve, note André Cicolella, chimiste-toxicologue et porte-parole du Réseau environnement santé (RES). Le Bisphénol A est un perturbateur endocrinien, qui a un impact sur les hormones sexuelles et thyroïdiennes. Il entraîne des troubles du comportement et est impliqué dans l’apparition de cancers, l’obésité et le diabète. »

La grande majorité des études scientifiques, menées sur les animaux mais aussi sur les hommes, converge pour mettre en avant l’impact du Bisphénol A sur la santé. Cependant, s’appuyant sur les conclusions de l’Afssa (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments) , le ministère de la Santé estime que les expositions sont inférieures à 30% de la dose journalière tolérable (DJT). Selon lui, les risques sanitaires pourraient donc être négligeables. Ces conclusions sont rejetées par de nombreuses associations comme le Réseau environnement santé. « La DJT  ne tient pas compte des effets à faible dose. Le Bisphénol A est un problème majeur de santé publique en raison de son très large spectre d’effets survenant chez l’animal aux doses d’imprégnation qui sont celles mesurées chez l’homme, explique André Cicolella. Les études menées sur le Bisphénol A montrent que les effets se transmettent sur quatre générations. Il existe un précédent avec le distilbène qu’on a prescrit aux femmes dans les années 1950 et 1960. On en constate encore les dégâts aujourd’hui avec la deuxième, voire la troisième génération. Il faut être cohérent. Si on veut protéger les enfants en interdisant le Bisphénol A dans les biberons, il convient également d’éviter la contamination interne de la mère au fœtus ou par l’allaitement maternel qui est, elle aussi, importante. »

L’immense majorité de la population est exposée au Bisphénol A. Il existe pourtant des produits de substitution. Le verre, bien sûr, pour les biberons ou les boissons, mais aussi des matières alternatives comme le polyéthylène, le polypropylène ou l’oléorésine. Cependant, les performances en termes de résistance à la corrosion, d’absence de goût ou d’étanchéité de ces matières semblent encore inférieures à celles du Bisphénol A. « De toutes les façons, les industriels n’ont pas le choix. Ils devront trouver les solutions », conclut André Cicolella.

 

Article Extrait de « VIVRE » le magazine de la ligue contre le cancer 2ème trimestre 2010 – Nicolas Démare

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