Qu’est-ce que la réflexologie ?

(…..) « La réflexologie, ce n’est pas du massage, encore moins des caresses ! » ; « Il ne faut y avoir aucune ambiguïté, cela s’arrête aux chevilles. » L’affaire Georges Tron – accusé de harcèlement sexuel sous prétexte de réflexologie – a tout d’une épine dans le pied pour les spécialistes d’une discipline volontiers présentée comme ancestrale. Martine Boisserie Terrier, présidente de la Fédération  Française des Réflexologues (FFR), craint l’amalgame et une « très mauvaise pub ». Elle précise que, si l’ancien secrétaire d’Etat est « un passionné de médecines naturelles et a créé une association pour les défendre », il n’a pas de diplôme reconnu par sa fédération. « Pour le moment, mes clients plaisantent en me demandant s’ils risquent quelque chose en venant dans mon cabinet, mais il peut y avoir des retombées négatives sur ceux qui ne connaissent pas cette méthode », confirme Emmanuelle Vincensini, installée dans le 12è arrondissement parisien. Dans le cas de la réflexologie « classique », un praticien ne s’aventurera au niveau de vos zones intimes qu’à distance, c’est- à -dire en manipulant vos talons, censés contenir les terminaisons nerveuses des testicules ou des ovaires. « Et encore, ça ne vous fait pas grimper aux rideaux », assure la présidente de la FFR. Inspirée de la médecine traditionnelle chinoise, la réflexologie repose en effet sur le postulat- jamais prouvé scientifiquement – que les pieds, les mains, les oreilles, le nez ou même la langue sont des représentations miniaturisées du corps humain et peuvent servir, via des zones réflexes, à stimuler des organes ou des glandes pour « rééquilibrer l’énergie corporelle ». Dans le cas de la réflexologie plantaire – de très loin la forme la plus répandue – « tout part du principe que le corps est cartographié dans le pied, explique Emmanuelle Vincensini. On va ainsi travailler les zones de projection en fonction des pathologies du patient. L’orteil représente la tête, les métatarses, le buste, le bord interne de chaque pied, la colonne vertébrale ». Bien appliquée, la réflexologie permettrait, selon ces professionnels, de « soulager » divers troubles, comme le stress, les migraines, les problèmes de constipation ou de respiration, et de manière préventive de « libérer les capacités d’auto guérison du corps ». Mais cette discipline cousine de l’acupuncture et du shiatsu, implantée en France depuis une trentaine d’années, ne bénéficie d’aucune reconnaissance légale, même si elle a désormais droit d’entrée dans certains hôpitaux en tant que soin complémentaire. « Nous sommes en retard par rapport à la Grande-Bretagne ou les pays scandinaves », assure Martine Boisserie Terrier, qui milite pour démontrer que la réflexologie apporte « plus qu’un simple bien-être ». Le bouche- à - oreille pour ces « thérapeutiques » plantaires semble, lui, bien fonctionner. « Les gens se tournent de plus en plus vers les médecines douces. Ils en ont ras le bol de prendre des médicaments pour tout et n’importe quoi, phénomène encore accentué par les scandales pharmaceutiques », affirme Emmanuelle Vincensini.

Installé au bas de la butte Montmartre, Jean-Louis Schaefer, l’un des 580 réflexologues certifiés par la FFR, a accepté au pied levé de nous faire une démonstration pratique en forme de bilan énergétique. Après un massage de préparation de plusieurs minutes, il procède, à l’aide de mouvements de reptation de son pouce, à un examen minutieux, des orteils à la cheville. L’objectif étant de détecter les fameux « cristaux », ces enflures qui seraient synonymes de toxines. Il va ainsi nous annoncer que nous sommes sans doute « fatigué » et « tendu au niveau de l’estomac ». Après l’avoir rassuré sur notre état digestif, nous lui demandons s’il comprend qu’une discipline qui fait du pied une télécommande pour activer le reste du corps puisse susciter le scepticisme- pour ne pas dire les railleries- d’un esprit cartésien. « Bien sûr, mais pour la plupart des patients il y a un mieux-être indiscutable. Même ceux qui arrivent complètement réfractaires repartent contents. » Peu à peu, bercées par la litanie des organes « stimulés » par notre réflexologue (« diaphragme, cœur, rate… »), nos pensées dérivent quelque peu des querelles entre partisans des thérapies alternatives et détracteurs de la « patamédecine », pour atteindre ce qu’il faut bien nommer un nirvana plantaire. A cet instant, on défie quiconque de douter que le bonheur est dans le pied.

 

Article extrait du journal « LE POINT » du 2 juin 2011 – Thomas MAHLER

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